Le beaujolais nouveau : une tradition festive ou une opération marketing maline

Le beaujolais nouveau ? Pfff… c’est à peine du vin, c’est pas bon, … un pur produit marketing …

Idée reçue ! Pour vous en persuader, jetez un coup d’oeil à cette vidéo du sommelier Emmanuel Delmas.

Emmanuel Delmas – sommelier

Oui par le passé, le Beaujolais nouveau n’a pas toujours été à la hauteur question qualité, mais les choses ont changé et aujourd’hui on en trouve de très bons … mais encore hélas aussi des pas très bons, sans surprise surtout parmi les moins chers.

Aussi pour ce « marronnier » de la presse oenologique, je vais dans cet article :

  • raconter l’origine du Beaujolais nouveau,
  • expliquer comment il est fait,
  • indiquer qui en boit, en France et à l’étranger,
  • et terminer par une petite dégustation de 3 vins.

I- Depuis quand existe le Beaujolais nouveau

1- L’attrait du vin nouveau

Dès le 19ème siècle quelques négociants achètent le vin de Beaujolais à peine fini : certains vins terminent leur fermentation pendant le transport !

Ce vin nouveau de Beaujolais est vendu aux détaillants, cafés et restaurants à Paris et à Lyon.

Vin servi au restaurant
Du vin au restaurant

2- Le véritable début du Beaujolais nouveau

Jusqu’en 1951, les producteurs de vins n’ont pas le droit de vendre le vin de l’année avant le 15 décembre.

C’est précisément cette année-là, que l’Union Viticole du Beaujolais demande l’autorisation de pouvoir vendre les vins de la région plus tôt. L’Autorisation est accordée en novembre 1951.

A partir de 1952, le Beaujolais nouveau est vendu en novembre mais la date de sa sortie change chaque année.

En 1967, on fixe la date officielle au 15 novembre. Puis on s’aperçoit que le 15 novembre tombe parfois un dimanche (noooonnn ! 🤣). Du coup, en 1985, elle est programmée au 3ème jeudi de novembre à 0h .

3- Pourquoi le Beaujolais nouveau est devenu un événement aussi médiatisé

Dans les années 1980, les vignerons sentent bien l’intérêt commercial du produit : c’est le premier vin de l’année qui sort, il est fruité, peu alcoolisé, peu tannique et facile à boire. On appelle aussi ce premier vin de l’année, vin primeur : on dit indifféremment Beaujolais nouveau ou Beaujolais primeur.

Le Beaujolais n’est pas le seul vin primeur, il y a aussi des Touraine et des Gaillac (à environ 40km au nord-est de Toulouse),

Les commerciaux en font une promotion active. Ils fournissent tout un « kit » aux cafés et restaurants : paille, canotiers, plateaux de charcuterie (Source : Le Parisien).

C’est plus vraiment le cas ces 2 ou 3 dernières années (et ne parlons même pas de cette année où bars et restau sont fermés 😞).

(Mais les amateurs se sont précipités chez les cavistes faute de pouvoir sortir. Mes cavistes préférés se sont retrouvés en rupture de stock au bout de quelques heures !!)

Maintenant que vous connaissez un peu le contexte, voyons comment on fait ce fameux Beaujolais nouveau.

Beaujolais nouveau - Crédit photo Sébastien Panouille
Beaujolais nouveau – Crédit photo Sébastien Panouille

II- Qu’est ce que le Beaujolais nouveau

1- Un vin rouge ou rosé

Le rosé existe depuis depuis 2006/2007 : il est sorti au Japon en 2006 et dans les autres pays en 2007.

2- La vinification du Beaujolais nouveau

C’est donc la transformation du raisin récolté sur les vignes du Beaujolais en vin … de Beaujolais !!!

J’ai abordé le sujet dans cet article-ci ; mais je vais rappeler ici les points principaux.

a- Le cépage

Pour le vin rouge ou rosé, en Beaujolais, il n’y a qu’une seule variété de raisin – ou cépage : le Gamay.

b- La vendange

Elle est toujours faite à la main, car pour le mode de vinification il faut des grappes entières. Ces grappes viennent des parcelles les plus précoces (où le raisin est mûr en premier).

En général, un domaine ne vend pas plus de la moitié de sa production en Beaujolais nouveau.

c- La vinification

La technique utilisée est celle de la macération carbonique. Je vous explique tout de suite.

Les grappes entières sont déversées dans les cuves qui sont ensuite fermées.

Le vin en train de se faire - Crédit photo Guillaume Brialon
Le vin en train de se faire – Crédit photo Guillaume Brialon
  • Les grappes du bas : écrasées par celles du dessus, elles rendent du jus qui se met à fermenter ; il se transforme en alcool et gaz carbonique ;
  • Le gaz carbonique remonte vers le haut de la cuve et remplit les espaces laissés libre entre les grappes du dessus (d’où le nom de « carbonique »). Mais il ne peut pas s’échapper puisque la cuve est fermée (enfin un peu quand même pour éviter une sur-pression dans la cuve …)
  • dans les grappes du dessus, la fermentation se produit à l’intérieur des baies, ce qui permet d’obtenir des vins moins tanniques, plus souples, plus aromatiques, avec des arômes fleuris (schématiquement 😊);
  • au bout de 3 à 4 jours, on récupère le jus en cours de fermentation, appelé « jus de goutte » et on presse les grappes : le jus obtenu ou « jus de presse » est assemblé (réuni avec) le jus de goutte.
  • le jus termine alors sa fermentation.

III- Qui sont les amateurs de Beaujolais nouveau ?

1- En France et à l’étranger

D’abord les Français, quand même, mais les étrangers en raffolent !

Plus précisément, sur 100 bouteilles produites :

au restau au Japon
Le vin français apprécié au Japon
  • 60 sont bues en France
  • 10 au Japon
  • 8 aux USA
  • 4 au Canada
  • 2 en Belgique
  • 2 en Suisse
  • … et le reste – soit 14 bouteilles – ailleurs dans le monde dans plus de 100 pays.

    Source Beaujolais.com – chiffres 2019

En dehors de la France, c’est donc le Japon le premier consommateur de Beaujolais nouveau.

Pourquoi ? Parce que les Japonais aiment les vins fruités et peu alcoolisés : tout le Beaujolais nouveau !
Et ils le découvrent avant nous, puisque il y 12h « de plus » au Japon que chez nous !

2- Des consommateurs moins nombreux que dans les années 1980

En effet, la consommation de Beaujolais nouveau a été divisée par 5 depuis les années 1980 !

Pourquoi ?

  • d’abord la consommation de vin en général a beaucoup diminué,
  • ensuite, la qualité n’était pas toujours au rendez-vous

En 2018, il s’est vendu 170 000 hl de Beaujolais nouveau, soit l’équivalent d’un bâtiment de 2m40 de haut occupant toute la surface d’un terrain de foot (qui fait 7140 m2 😉).

Par comparaison, en 2008, ce « bâtiment » aurait fait 4m25 de haut … sacrée dégringolade …

(Source Inter-Beaujolais)

Maintenant les producteurs de Beaujolais cherchent à faire un vin meilleur, vendu un peu plus cher, ce qui permet de compenser la diminution de la consommation. Le consommateur-cible a entre 25-45 ans (Source Le Parisien), puisque d’après un sondage commandé par Inter-Beaujolais, ils sont 3 sur 4 à en boire.

IV- Pour finir une petite dégustation comparative

Mes cavistes préférés ont été dévalisés mais j’ai quand même pu trouver 3 vins.

Beaujolais nouveau du domaine Anita
Le Primeur d’Anita

1- Le Primeur d’Anita

du domaine Anita … chez Picard (les surgelés). Je connais le domaine puisque j’y ai été l’année dernière et que j’ai bien aimé les vins. Anita Kuhner, la vigneronne, est une passionnée, nous avons passé plus d’une heure à discuter de vin, de sport de compét (elle a été championne cycliste junior) …J’étais donc curieuse de goûter son primeur. Le vin : des arômes de fruits rouges, de banane et de fleurs (iris). En bouche, il est frais et rond, il a une bonne tenue en bouche et il a une persistance fraîche.

Agréable !

Le Beaujolais nouveau du domaine de la Madone
Perréonissime de la Madone

2- Perréonissime

du domaine de la Madone chez le caviste Le Chai (64). Le domaine fait 17 ha à Fleurie et tient son nom de la chapelle construite en haut de la colline de La Madone à Fleurie.

Le vin : il a des arômes de fruits noirs, de poivre et de fleurs. En bouche il est frais, rond et plein avec une texture soyeuse et les mêmes parfums de fruits noirs et de poivre. La persistance est fraîche et parfumée. Très bon !

Beaujolais nouveau l'Ancien de Jean-Paul Brun
l’Ancien de Jean-Paul Brun

3- L’ancien

de chez Jean-Paul Brun, vigneron réputé de la région, dont le domaine fait 48 ha

Le vin : au premier abord, c’est réduit (odeur d’allumette), puis après aération il y a de la violette et des fruits noirs. La bouche est souple mais on sent le réduit et la texture est légèrement granuleuse. Bonne tenue en bouche. Décevant.


En conclusion, et pour répondre à la question posée dans le titre, et cet avis n’engage que moi, le Beaujolais est avant tout une opération commerciale … devenue tradition festive.

En effet, la production du Beaujolais nouveau représente le 1/4 de la production de Beaujolais. Ça fait 1/4 du revenu de l’année qui rentre dès novembre pour les vignerons : pas mal quand même !! Et pour certains ça va même jusqu’à la 1/2 …

Le problème, c’est que, d’une part, la piètre qualité de certains vins a nui à l’image du Beaujolais, même si depuis quelques années, les vignerons font des efforts sur la qualité. Et d’autre part dans l’image du public Beaujolais = Beaujolais nouveau.

Alors qu’il y a beaucoup d’autres Beaujolais, plus complexes et de bonne garde à découvrir. Pour le découvrir allez jeter un oeil à cet article sur le Beaujolais, si ce n’est pas déjà fait 😉!

Merci d’avoir lu cet article. Si vous avez aimé, cliquez sur j’aime, la juste en-dessous et partagez ! Merci !

Et en attendant mon prochain article, buvez avec modération, mais buvez bon !

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