Comment faire du vin : #1 le vin blanc

Vous êtes invité par votre collègue préféré à une dégustation de vin blanc d’un vigneron célébrissime, vous a-t’il dit. Trop bien !

Mais votre collègue n’a pas capté que vous n’y connaissiez pas grand-chose. Là, à cette soirée, ça va être chaud, ça va se voir !!! … la honte !!!

Votre collègue vous expliquerait sans doute très volontiers : il est passionnant quand il parle de vin et vous l’écoutez avec plaisir. Mais pas question de lui demander, déjà il vous agace quand même des fois à s’y connaitre si bien !

Eh ben rassurez vous ! Quand vous aurez lu mon article, vous en saurez assez pour faire plus que bonne figure à cette soirée, et même avec un peu de bol, vous épaterez votre collègue « agaçant »😛 !

Je vais donc maintenant vous expliquer :

  • avec quel raisin on fait du vin blanc
  • comment on le récolte
  • comment on le transforme en vin blanc.

C’est parti !

I- Le raisin pour faire du vin blanc

1- Du raisin blanc

A priori, c’est à celui-ci qu’on pense pour faire du vin blanc.

A priori. Et c’est vrai.

Sauf qu’on peut aussi faire du vin blanc avec du raisin rouge.😊

Raisins blancs et rouges pour faire du vin blanc
Raisins blancs et rouges

2- Du raisin rouge

L’exemple le plus célèbre est celui du Champagne ; il est fait principalement avec 3 cépages – ou variétés de raisin -, une blanche et deux rouges.
Pourquoi peut-on faire du vin blanc avec des raisins rouges ? Parce que le jus de la grande majorité des raisins rouges est incolore. Dans mon article « Comment fait-on du vin », j’explique que les pigments qui donnent sa couleur au vin sont dans la peau.

Pour que le vin soit coloré, il faut que les peaux macèrent un certain temps dans le jus. Mais si on presse le raisin tout tout de suite, la couleur des peaux n’a pas le temps de passer dans le jus. Par conséquent le jus reste jaune clair.

Il existe tout de même quelques cépages rouges qui ont un jus coloré : on les appelle cépages « teinturiers »

Exemple : le Gamay teinturier, avec plusieurs variantes et l’Alicante. Pour plus de détails, vous pouvez consulter l’article « Teinturier » sur le site Dico du vin

II- La vendange des raisins à vin blanc

On a tous l’image des vendanges rassemblant une joyeuse équipe de vendangeurs, bavardant et chantant dans les vignes tout en coupant le raisin. C’est toujours d’actualité.😃

Mais c’est peut-être moins connu : il y a aussi des machines à vendanger.

1- La vendange à la main

On coupe les grappes qui soit placées soit dans des remorques pas très profondes, soit dans des cagettes de 20 à 25 kg, ce qui évite aux grappes d’être écrasées sous le poids des autres.

Machine à vendanger
Machine à vendanger

2- La vendange à la machine

La machine est équipée de « bras » qui secouent les pieds de vigne pour que les grains de raisin tombent ; on ne récupère que les grains dans la benne de la machine.

III- 3 étapes dans la vinification du vin blanc

Comme je l’ai rappelé plus haut, on ne veut pas de couleur pour le vin blanc, donc on presse tout de suite les raisins.

La vinification du vin blanc comprend donc 3 étapes :

  1. Le pressurage du raisin, le fait de presser le raisin
  2. Le débourbage du jus ou moût
  3. La ou les fermentation(s)
    • la fermentation alcoolique
    • éventuellement la fermentation malolactique.

Un peu de vocabulaire :

– on appelle « moût« , le jus de raisin avant ou pendant la fermentation

– on appelle « marc« , les parties solides du raisin : peaux et pépins ; c’est ce qui reste dans le pressoir à la fin du pressurage

Voyons maintenant plus en détail chacune de ces 3 étapes, dont les noms vous laissent peut-être perplexes ! 🤔

IV- Le pressurage du vin blanc

C’est donc le fait de presser le raisin pour en récupérer le jus. Ça va sans dire 😊…mais ça va mieux en le disant !😁

1- A quoi ressemble un pressoir ?

On a tous l’image des vieux pressoirs transformés en bac à fleurs sur les places de village 😊. Ce type de pressoir, dit « pressoir vertical » n’est pratiquement plus utilisé pour les vins blancs parce qu’il n’est pas pratique.

On utilise maintenant le plus souvent des pressoirs dit pneumatiques, je vous explique un peu plus bas.

2- Remplissage du pressoir

  • si la vendange a été faite à la machine, on transborde le contenu des remorques dans le pressoir.
  • si la vendange a été faite à la main, il y a 2 possibilités :
    • Soit on décide de presser les grappes entières : on transborde donc les grappes telles quel dans le pressoir ; ça c’est simple
    • soit on ne veut garder dans le pressoir que les baies – les grains de raisin – ; dans ce cas-là, il faut enlever les baies de la charpente de la grappe (la rafle) : c’est l’égrappage ou éraflage) ; et on peut aussi décider de fouler le raisin.

Hop, hop, hop ne partez pas déjà, je vous explique tout de suite tout ça. Mais vous voyez, faire du vin, ce n’est pas si simple, il y a plein d’options possibles. C’est au vigneron de décider ce qu’il va faire en fonction du raisin qu’il a et du vin qu’il veut faire.

3- L’éraflage :

Pourquoi enlever la rafle ?

  • D’abord parce que ça prend moins de place dans le pressoir, et d’une ! 🤗
  • Ensuite si la rafle est « verte », en la pressant, on récupère du jus au goût herbacé, ce qui n’est pas top pour le futur vin

Comment on érafle ? Avec un érafloir !

Il y en a plusieurs types mais je ne vais pas rentrer dans le détail dans cet article. Si ça vous intéresse, dites-le moi en commentaire, je me ferai un plaisir de vous concocter un petit article technique sur le sujet !😄

4- Le foulage :

Késako ?

Le but est d‘écraser légèrement les baies pour qu’elles se fendent et qu’elles libèrent plus vite leur jus. On peut fouler les grains éraflés ou les grains sur la grappe.

Un bon schéma valant mieux qu’un long discours voici comment ça se passe sur ce petit schéma.

Dessin schématique d'un fouloir
Dessin schématique d’un fouloir – Auteur : Agnès Godard

V- Déroulement du pressurage des vins blancs

Donc à l’intérieur d’un pressoir pneumatique, il y a une grande poche en matière synthétique. Quand on remplit le pressoir elle est vide.

Mais une fois le pressoir plein, on la gonfle avec de l’air. Ça a pour effet d’écraser les grains contre la cage du pressoir. Le jus coule par les drains percés dans la cage jusque dans un bac de récupération du jus – la maie -. Là un tuyau est branché pour acheminer le jus vers une cuve.

Pour les fans de technique !
J’ai donc dit que la poche d’air comprime les grains contre la paroi du pressoir. Autrement dit on applique une pression sur la vendange

La pression est faible au départ, puis quand le jus coule moins, on augmente la pression, à plusieurs reprises.

Rebêchage

Quand le jus ne coule pas plus fort malgré l’augmentation de la pression, inutile d’insister. On dégonfle la membrane et on remue le marc (on fait tourner le pressoir pour que le marc s’émiette) : c’est le rebêchage. En effet à l’intérieur de celui-ci, il se forme des poches de jus qui ne peuvent pas sortir en augmentant la pression. On libère donc ces poches en émiettant le marc.

Et on recommence. Ça dure 2 à 3h.

VI- Débourbage du vin blanc

Le jus qui sort du pressoir est trouble : il y a du jus sucré et de la pulpe du raisin (comme dans du jus d’orange avec pulpe🤗 ). C’est cette partie trouble qu’on appelle « bourbes ».

Avant de faire fermenter le jus, on va éliminer une partie de ces bourbes.

Refroidir
Refroidir

Pourquoi ? Parce que s’il y en a trop, on risque d’avoir un vin avec des arômes d’herbes, d’ail, de l’amertume, du réduit (comme l’odeur d’oeuf pourri 🤢), le vin sera plus coloré et plus astringent. Pas top !

Une fois que le jus ou moût est dans sa cuve, les bourbes vont naturellement se déposer au fond, et ce d’autant plus facilement que le jus sera froid. Donc on refroidit le jus à débourber.

En général, au bout de 48h, le débourbage est terminé ; au fond de la cuve, on a un dépôt vert à beige de 20 à 30 cm d’épaisseur et au-dessus du jus plus clair. On pompe donc le jus clair par un tuyau plongé dans la cuve, jus qu’on va mettre dans une autre cuve.

Le jus est prêt pour la fermentation.

Pour les fans de techniques – bis

Que fait-on des bourbes ?

Eh bien on peut les jeter. Pas dans la nature ! On les mets de coté ; un prestataire viendra les chercher pour les traiter.

Ou on peut les filtrer : on récupère du jus – 5 % environ du volume de la cuve d’origine. Ce jus est rajouté au jus débourbé.

VII- La fermentation

Comme je l’ai dit au § « 3 étapes dans la vinification du vin blanc », il y a une ou 2 fermentations.

  • J’ai expliqué la fermentation alcoolique dans l’article La fermentation alcoolique du vin, comment ça se passe
  • Il me reste donc à expliquer ce qu’est cette sans doute mystérieuse « fermentation malolactique »🧐.

    Mais tout d’abord, parlons d’une question cruciale 😄 : la fermentation se fait-elle en cuves ou en barriques ? Je sais que vous êtes trop curieux de connaitre la réponse 😂, alors la voici : les 2 mon général !

1- La fermentation du vin blanc en cuves

Cuve pour la vinification du vin blanc - château de Manissy - Tavel
Cuve de vinification – château de Manissy – Tavel

Les cuves sont en inox, en béton, en bois, en polyéthylène, en polyester, et de contenance de 10hl à 300hl ou plus – de forme cylindrique, cubique, ovoïde (forme d’oeuf). Ouf, ça en fait du choix !

Quant aux cuves elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients.

Par exemple les cuves béton sont en général cubiques et il y a moins de place perdue dans le chai qu’avec des cuves inoxydables cylindriques.

La cuve en forme d’oeuf est apparue à la fin des années 1990. On la trouve en béton, en polyéthylène ou en grès. Dans la cuve ovoïde, le liquide est sans arrêt en mouvement : c’est un phénomène physique appelé effet « vortex ». Cela facilite la fermentation.

2- La fermentation du vin blanc en barriques

Elles sont en bois de chêne (du moins en France). Les barriques classiques font 225l (à Bordeaux) et 228l (en Bourgogne) mais il y a aussi des 300l, 400l, 500l, 600l.

Pour être rapide, je dirai que les grandes barriques donnent moins de goût boisé et qu’elles prennent moins de place pour un même volume de vin.

Les barriques peuvent être neuves ou pas. Une barrique neuve va apporter beaucoup de gout boisé au vin. Plus la barrique sera ancienne (on les réutilise jusqu’à 4 ou 5 ans), moins le vin sera boisé.

Pour les fans de technique – bis du bis :

Il vient de sortir une barrique en bois de forme cylindrique. Elle a une contenance de 15 hl (1500l).

Il en existe un seul exemplaire en France, à Sancerre, au domaine Alphonse Mellot.

jarre pour la vinification du vin blanc
Jarre ou amphore

3- La fermentation du vin blanc en jarres

Depuis quelques années un très ancien contenant fait son come-back : l’argile. Certains vignerons mettent donc leur vin à fermenter dans des jarres en terre cuite. C’est une pratique courante en Géorgie et en Arménie, le « berceau » du vin, mais qui existait encore – de manière très marginale – en Espagne et au Portugal.

4- La fermentation malolactique du vin blanc

Vous en avez entendu parler ? Non ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas le(la)seul(e) …

a- La fermentation malolactique, qu’est-ce que c’est ?

C’est la transformation d’un acide présent dans le raisin, l’acide malique en un autre acide, l’acide lactique.
Cette transformation est réalisée par des bactéries dites « lactiques » répondant au doux nom de Oenococcus oeni.

Un peu d’histoire
Normal, si la fermentation alcoolique a toujours été connue, la fermentation malolactique n’a été mise en évidence que fin 19ème-début 20ème siècle.
Elle a longtemps été considérée comme une maladie du vin !

Ce n’est que dans les années 1960-1970 que tous ont finalement admis que c’était la dernière étape souhaitable de la vinification.

Source : Traité d’oenologie – Microbiologie du vin et Vinifications – P. Ribéreau-Gayon, D. Dubourdieu, A. Lonvaud, B. Donèche

Très bien, allez vous me dire, mais à quoi ça sert ?

b- L’intérêt de la fermentation malolactique ou FML

  • D’abord l’acide lactique est un acide moins fort que l’acide malique. Conclusion : après la FML le vin est moins acide, ce qui est un plus quand les raisins sont acides au départ.
  • Ensuite au cours de cette fermentation, en plus de l’acide lactique, les bactéries produisent des arômes : le vin s’enrichit donc de nouveaux arômes, il devient plus complexe.
  • Enfin, dans les chais, il y a beaucoup de « mauvais » microorganismes – des microbes comme on dit familièrement – qui adorent l’acide malique. Mais comme ils sont « mauvais », ils vont le transformer en de « mauvais » produits, comme le vinaigre … 🤮 ! Du coup, s’il n’y en a plus, les méchants microbes n’ont plus rien à manger ( bien fait pour eux 😅).

c- La fermentation malolactique ou FML pour les vins blancs, c’est pas systématique

Là je vous entends râler : « non seulement elle nous embrouille avec sa fermentation machin-chose, mais en plus elle nous dit tranquille : « ben finalement, non, on la fait pas toujours » « .🤬 😂😂

Je vous explique, ça va être très vite fait : je vous ai dit que pendant cette FML, les bactéries qui la font produisent aussi des arômes, qui vont s’ajouter aux arômes déjà présents dans le vin.

Le buis, un des arômes du vin blanc de Sauvignon
Le buis, arômes du vin de Sauvignon

Certains cépages donnent des vins aux arômes très marqués : par exemple, le Sauvignon donne des arômes de pamplemousse, de fruits exotiques et de buis très appréciés des consommateurs. (le buis a une odeur qui ressemble un peu à celle du pipi de chat 🤢 😂). Et les arômes produits pendant la FML masquent ces arômes si appréciés. Du coup on ne la fait pas. Ben voilà, c’est aussi simple que ça.

Et on ne la fait pas non plus pour les vins liquoreux, Pourquoi ? Parce que les bactéries lactiques, ces gourmandes ! , aiment non seulement l’acide malique, mais aussi le sucre … Donc elles transformeraient le sucre du vin liquoreux en acide lactique 😱 😱😱, c’est pas du tout, du tout, ce qu’on veut !!!


Vous savez donc maintenant que le vin blanc est vinifié en 3 étapes principales :

  • pressurage,
  • débourbage,
  • fermentation(s).

Après la(les) fermentation(s), la vinification proprement dite est finie.

Commence alors la période d’élevage, pendant lequel le vin va progressivement acquérir ses qualités définitives jusqu’à sa mise en bouteilles.

Mais ça c’est une autre histoire, dont je vous parlerai dans un article ultérieur.

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